La rénovation écologique selon Le nouveau printemps

Rénovation d’une maison ancienne

Faire une rénovation écologique était surtout faire une rénovation normale mais avec des matériaux biosourcés. Le but étant de faire des économies d’énergie et d’eau. De ce fait, voici une liste non exhaustive des éléments considérés dans le projet initial :

 

  • Changer la chaudière fioul par une chaudière à pellets,
  • Installer des panneaux solaires,
  • Isoler les murs avec de la fibre de chanvre et fermer avec placo,
  • Installer un circuit de récupération des eaux grises avec traitement UV,
  • Aménager une chambre dans les combles,
  • Et puis un petit poêle dans le salon pour que ça fasse cozy.

Finalement, nous n’avons pas changé la chaudière au fioul mais on ne l’utilise qu’une semaine par an.

Nous n’avons pas installé de panneaux solaires mais nous nous sommes focalisés sur la sobriété.

Nous n’avons pas isolé les murs (ils font quand même 60cm d’épaisseur), mais nous nous habillons chaudement.

Nous ne retraitons pas les eaux grises mais nous en produisons beaucoup moins.

Nous n’avons pas de poêle cozy dans le salon mais nous avons construit un foyer avec lequel cuisiner, cuire notre pain et chauffer la maison. Une même énergie a plusieurs usages.

 

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Au début du projet, j’ai lu un livre de Pierre Lévy intitulé « la rénovation écologique »1. J’ai ignoré le message dans le préambule : « Qu’est ce qui est réellement important lorsque l’on envisage une rénovation ? Décider d’installer un chauffe-eau solaire ? Construire des murs en paille ? Préconiser une surisolation, une chaudière à bois ? Non, ce n’est pas ça le plus important. Ce qui a de l’importance, c’est le sens que nous donnons aux choses, à nos actes. » En d’autres termes, pourquoi nous faisons une rénovation écologique ?

 

Quand j’ai commencé à me renseigner avant même l’achat de la maison, je n’avais pas compris ce que l’auteur voulais dire. J’ai sauté les étapes de réflexion pour, consulter immédiatement les pages techniques pour savoir quelle épaisseur d’isolant on devrait mettre.

 

En permaculture, on ne peut pas dissocier le jardin, la maison et notre vie quotidienne. C’est un tout qui doit être pensé. Nous allons y revenir plus tard.

 

Notre pensée a évolué au fil des rencontres et des opportunités qui se sont présentées.

 

Un architecte rencontré sur la foire Eco Bio de Colmar nous a expliqué les bases de la rénovation d’une maison en pierre vieille de 200 ans :

  1. Isoler les combles. C’est comme pour les humains, il faut mettre un bonnet,
  2. Appliquer un enduit terre de 8cm sur les murs,
  3. Couper le courant d’air qui traverse la maison de bas en haut entre la porte d’entrée et la porte du grenier (toutes les maisons alsaciennes sont pourvues de ce courant d’air).

Un artisan de la vallée spécialisé en terre crue nous a proposé d’installer un poêle de masse sur mesure.

A cette étape du projet, nous avons pu entrevoir la valorisation patrimoniale de la maison, et la restauration de sa fonction première : une ferme vivrière pour une famille.

 

La vie quotidienne de la maison dans l’Histoire

Si nous restaurons la fonction première de la maison, il est intéressant d’examiner comment on vivait lors de sa construction en 1798.

Les ressources étaient limitées et les maisons pas aussi bien isolées, alors comment se chauffait-on ?

 

La veillée

C’est contre intuitif mais quand il faisait froid, on ne restait pas chez soi. On sortait. Les habitants se retrouvaient à partir de novembre à la tombée de la nuit dans « La Stub » d’une maison du quartier. La Stub est ce qui correspond au salon-séjour actuel. On se rassemblait autour du feu pour filer, chanter, bavarder et boire un verre de schnaps2, 3. Ensuite on rentrait se coucher avec parfois toute la famille dans le même lit. Cela permettait d’économiser le combustible.

 

L’activité et le rythme de vie

Être assis toute la journée devant son ordinateur et aller à la gym en fin de journée est un mode de vie très récent. Être actif toute la journée (travail aux champs, artisanat, etc.) chauffe le corps et fatigue suffisamment pour se coucher tôt. De plus sans télévision et sans éclairage électrique, on a moins tendance à rester assis tard dans son salon. Tout cela réduit le besoin de chauffage.

Une histoire rapportée par Kris de Decker, le fondateur de Low Tech Magazine, ma particulièrement marqué. Dans une interview4 il citait un Norvégien qui lui a expliqué, au sujet des premiers programmes d’isolation des maisons en bois, que tu n’as pas besoin d’isoler le bâtiment, tu laisses le vent souffler au travers et tu vas dehors pour couper du bois, et quand tu reviens, juste revenir de l’extérieur où il fait froid est suffisant pour se sentir à l’aise et tu vas au lit. Selon lui, la raison pour laquelle nous avons tant besoin de chauffage de nos jours est que nous sommes nettement moins actifs que nos prédécesseurs.

Chauffer les personnes, pas les espaces

 Aux XX siècle, avec l’abondance énergétique et l’explosion des modes de vies passifs, nous avons évolué d’une logique ou on chauffait les personnes à une logique ou on chauffe les volumes d’air des bâtiments. Avant l’arrivée du chauffage central, on utilisait des systèmes de chauffage radiatif tel que les poêle de masse5.

Die Bauern und die Zeitung, une peinture d’Albert Anker, 1867
Des gens se rassemblent autour d’un poêle de masse. Die Bauern und die Zeitung, une peinture d’Albert Anker, 1867
Sobriété

En 1909 lorsque l’électricité arrive à Maisonsgoutte, les ampoules à filament remplacent peu à peu les bougies et les lampes à pétrole. Leur nombre est cependant limité à 3 ampoules par foyer et les prises de courant sont interdites6.

 

Un élément largement sous-estimé : l'adaptation au changement climatique

Les changements climatiques sont forts et rapides. La période chaude s’allonge et s’intensifie. Les canicules sont de plus en plus fréquentes et les perspectives vont plutôt vers une accélération des changements.

 

Les maisons traditionnelles en pierre et aux petites fenêtres sont plutôt bien adaptées. Les murs épais apportent une inertie importante (la température intérieure du bâtiment est stable malgré les variations extérieurs). Ils diffusent également leur fraicheur lentement au cours de l’été. L’hiver, ils emmagasinent une partie de la chaleur du poêle pour la diffuser au cours de la nuit.

 

Cela fonctionne uniquement si l’on ne se coupe pas de leur masse par un isolant… Je ne dis pas qu’il ne faut pas isoler mais plutôt considérer les options :

  • Isoler par l’intérieur (améliore le confort hivernal, réduit le confort estival)
  • Isoler par l’extérieur (améliore le confort hivernal et estival mais masque les caractéristiques architecturales des bâtiments)
  • Ne pas isoler. (Pour ne pas surconsommer d’énergie, il faut accepter un confort moindre l’hiver et se tourner vers des pratiques sobres et un mode de vie actif. L’avantage est d’économiser la fabrication, l’acheminement et l’entrée de nouveaux matériaux dans la maison).

Il faut avoir conscience qu’on peut toujours se protéger du froid en rajoutant des vêtements ou une couverture. Ce n’est pas possible de se protéger du chaud efficacement (sauf climatisation mais c’est un non-sens écologique).

 

C’est là qu’intervient la réflexion globale sur notre mode de vie et le pourquoi nous faisons une rénovation, comme nous l’avons vu en début d’article.

  • Nous avons choisi de cultiver un jardin en permaculture de près d’1ha parce que nous aimons vivre dehors. En étant actif de la sorte nous avons besoin de moins chauffer la maison.
  • Comme lors des veillées d’antan, après la tombée de la nuit nous restons groupés autour du poêle et acceptons que les autres pièces de la maison restent froides.
  • Nous n’hésitons pas à allumer le chauffage central si les températures deviennent trop basses ou que le confort de nos invités l’exige. Ce fut nécessaire seulement pendant une semaine l’hiver dernier.
  • Nous nous habillons chaudement (collants, sous-pull, …)

Les incitations à suivre la voie « standard »

Pour penser et concevoir son projet ainsi, il faut résister aux injonctions venues de l’extérieur.

 

  • On vous conseille souvent de ne pas recourir à une isolation par l’extérieur sur les maisons anciennes, et par conséquent isoler depuis l’intérieur pour permettre la « respiration des murs » et éviter l’accumulation d’humidité et les problèmes qui vont avec. Or c’est l’inverse. Pour traiter de manière pérenne l’humidité des murs, il faut isoler depuis l’extérieur (ainsi ils sont protégés) et soit les laisser apparents à l’intérieur ou les enduire de terre ou de chaux. Ils contribueront à réguler l’hygrométrie à l’intérieur de la maison. En installant un chauffage à radiation, comme un poêle, vous garantirez qu’ils soient bien sec l’hiver et pas trop secs l’été. Voir l’article sur les Pathologies liées à l’humdité dans les murs anciens – Eco-rénover dans les Vosges du Nord (parc-vosges-nord.fr) et cette excellente vidéo de l’Archipelle sur La Maison Résiliente 
  • Le système de subvention promeut surtout une rénovation énergétique conçue et favorable à l’industrie. Par exemple le fait que nous réalisions nous même une partie de la rénovation thermique nous disqualifie des subventions allouées aux rénovation globales. Or, nous avons conçu notre projet de manière bien plus globale et potentiellement plus sobre que ce qui est prévu dans les règlements. En outre, nous avons acquis un nombre incalculable de compétences nouvelles. Le système de subvention est plus un système de financement de la filière du bâtiment (artisans, fournisseurs de matériaux) que vraiment d’aide au particulier. Avec les déficits de main d’œuvre et les délais déraisonnables de réalisation de travaux, n’y aurait-il pas intérêt à encourager la formation des citoyens et qu’ils fassent vérifier leurs travaux par un professionnel ? C’est déjà possible pour la rénovation électrique.

Le résultat

Quoiqu’il en soit, j’étais fier qu’une architecte conseil du CAUE (Conseil architecture, conseil environnement | CAUE Alsace (caue-alsace.com)) qualifie le projet d’exemplaire. Je vous donne tout de suite les détails :

 

  • L’élément central de la maison : le poêle de masse. Vous trouverez les détails dans l’article qui lui est consacré. La consommation de bois est 2 fois moindre que pour une maison équivalente dans le village (et la moitié de l’année nous n’utilisons pas d’autre énergie pour cuisiner !)
Poêle de masse dans le salon
  • Des finitions en terre et chaux. Nous avons réalisé nous même les mélanges d’enduits à partir de terre et de chaux produites localement. Le coût de la finition est inférieur à l’usage de peintures, papiers peints ou enduits terre-chaux prêts à l’emploi. On en retire bien sûr une grande satisfaction, des compétences et surtout une maison chaleureuse et saine, bien régulée sur le point de vue hydrologique.
  • Des toilettes sèches dans la maison. Au lieu de recycler l’eau, nous évitons de l’utiliser. Nous avons eu une coupure d’eau de 24h l’année dernière. Avec nos réserves de 1000L d’eau de pluie (non potable) à la cave et les toilettes sèches, nous habitions probablement la maison la plus confortable ce jour-là. L’économie réalisée à l’installation et à l’usage est substantielle.
  • Des rideaux thermiques pour couper les courants d’air de la porte d’entrée au grenier.
  • Une isolation soignée de 24cm de laine de bois dans les combles.
  • Au lieu d’installer des panneaux solaires sur note maison, nous rejoignons un modèle collectif de production d’électricité : Meisensolar. Le projet un d’installer des panneaux solaires sur l’immense toiture de l’église de Maisonsgoutte.

Est-ce qu’il y a quelque chose que je ferais différemment aujourd’hui ?

 

Eh bien oui. L’isolation des combles justement. Nous avons opté pour un matériau biosourcé qui isole autant du froid que du chaud : la laine de bois. Elle provient de la sciure des scieries de la Forêt Noire, donc relativement local. C’est pas mal, non ? Mais il faut beaucoup d’énergie pour l’assembler en panneaux et la filière dépend de l’exploitation industrielle de forêts qui ressemble plutôt à des monocultures d’épicéa. L’impact est à peine mieux qu’un matériau synthétique. Pour l’installer, nous avons au préalable arraché le planché et sorti le mélange de pailles et de scories (ce qui a généré un déchet non recyclable). C’est un travail long et difficile qui se fait dans la poussière. Une autre option aurait été de poser des panneaux de polystyrène (partiellement recyclés) à même le plancher. Ceci aurait renforcé l’isolation existante à moindre frais et avec beaucoup moins d’effort. C’est à vérifier mais il semble que l’impact écologique n’aurait pas été moins bon, même si le polystyrène est issu de l’industrie pétrolière (pas de déchets et pas de laine de bois énergivore à fabriquer).

 

Conclusion

La rénovation est une aventure forte. Ça prend 2x plus de temps que prévu mais on découvre beaucoup de choses, on apprend et on acquiert une tonne de compétences. Avant de commencer je savais à peine tenir un marteau et maintenant il n’y a rien qui me semble hors de portée.

 

C’est une aventure qui nous fait réfléchir sur la technique, le sens que l’on donne aux choses, à l’histoire des lieux et à comment on entrevoit l’avenir.

Sources:

1 Pierre Lévy, La Rénovation Ecologique, Terre Vivante, 2010

2 Radio France: Les veillées d’autrefois 

3 Société d’Histoire du Val de Villé, Annuaire 2023

Kris De Decker: « Low Tech: What, Why and How »| The Great Simplification

5  Low Tech Magazine, Heating people not spaces 

6 Société d’Histoire du Val de Villé, Annuaire 2023

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